L’absurde et l’intelligence

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Un récent article de la Harvard Business Review, « Comment rendre le groupe plus intelligent » de C.R. Sunstein et R. Hastie (publié dans l’édition française de novembre décembre 2015) m’a remis en mémoire un ouvrage plus ancien de Christian Morel, « les décisions absurdes t.2, comment les éviter » – Gallimard, collection Folio Essai, édition 2014.
Malgré des titres qui mettent en avant des concepts opposés – l’absurde et l’intelligence, ils s’adressent tous les deux à une même problématique.

Comme le dit le bon sens populaire : « deux avis valent mieux qu’un ! », les délibérations de groupe réussissent (souvent) à intégrer les connaissances et la sagesse de chacun de leurs membres. Cependant, de nombreux biais restent souvent sans correctif au sein du groupe, prennent de l’ampleur – le groupe se polarise sur l’option la mieux connue, la mieux documentée ou sur l’opinion dominante – et conduisent le groupe vers une décision inappropriée, voire erronée.

Pour contrer ces biais, les auteurs préconisent différentes règles ou recommandations.
Ils portent ensemble des préconisations sur la nécessité de favoriser des échanges critiques, des confrontations contradictoires, d’écouter et de prendre en compte l’ensemble des positions complémentaires. Cette attention doit conduire à un consensus fort au sein du groupe, à une adhésion réelle et vérifiable autour de la position retenue. Un des éléments favorables pour cela est de lever la pression de la hiérarchie pour permettre le développement des différents arguments, de « réduire le leader au silence ». Le rôle du leader est alors de soutenir le processus d’échange et de construction du consensus et non pas de promouvoir sa propre position.
De leur côté, C.R. Sunstein et R. Hastie mettent aussi en avant l’importance de « récompenser les succès du groupe », de valoriser les enjeux collectifs de l’entreprise pour réduire les motivations strictement individuelles (parfois) contradictoires à l’intérêt global. Cette position n’apparaît pas explicitement dans les règles données par Ch. Morel ; elle est cependant implicitement forte dans les contextes étudiés : interventions chirurgicales, sous-marins, avions…

Pour sa part, Ch. Morel préconise plusieurs règles qui inscrivent sa réflexion dans une pédagogie à long terme pour la pérennité et la progression durable des façons de faire dans l’entreprise :
– Une attention aux risques de dysfonctionnement liés aux interstices, aux interfaces.
– Le principe de la non-punition des erreurs pour favoriser la remontée des informations sur les écarts et leurs causes profondes.
– Le débat sur les écarts inévitables entre les règles et leur application.
– La sélection des retours d’expérience significatifs et leur exploitation pédagogique.
– La formation aux facteurs humains et aux mécanismes cognitifs, autant pratique que théorique.

Le premier pas sur la voie de cette excellence est dès aujourd’hui d’accepter qu’il existe des biais dans les processus de décision et de reconnaître qu’on y est exposé, individuellement et collectivement.
Il convient ensuite d’appliquer avec force et conviction les contre-mesures proposées…

Alexis Epron – novembre 2015

One Response to L’absurde et l’intelligence

  1. […] Cette approche est certainement plus riche que de retenir un seul futur comme base de la réflexion, surtout quand on se rappelle des biais de raisonnement face à ce type de choix (cf. EFKIN : L’absurde et l’intelligence) […]