Lean-berté & Cie

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« La liberté des salariés fait le succès des entreprises ». C’est le thème – et le sous-titre – du livre « Liberté et Cie », un ouvrage qui fait rêver salariés et patrons et qu’aujourd’hui les « Entreprises humanistes » déclinent avec enthousiasme et conviction.
Comme la liberté est l’ennemie des formules, le livre annonce dès la page 15 qu’il ne contient pas de recette ! Il propose néanmoins 4 leçons tirées des expériences étudiées : 1) « Cesser de parler et commencer par écouter », 2) « Partager ouvertement et activement la vision de l’entreprise pour permettre aux salariés de se l’approprier », 3) « Arrêter d’essayer de motiver les salariés » (il s’agit plutôt de mettre en place un environnement qui leur permettra de se développer…), et 4) « Rester vigilants ».
Ces 4 leçons mettent en avant des valeurs humanistes telles que la confiance, l’humilité ou l’expérimentation… La force de ces valeurs est développée dans plusieurs autres ouvrages, notamment dans « la faillite de la pensée managériale » par François Dupuy (Seuil 2015). Nous y retrouvons notamment l’idée qu’il est contreproductif d’organiser les activités autour de la méfiance et des contrôles destinés au « trois pour cent » de présumés « tire-au-flanc ». F. Dupuy interprète cette méfiance comme le résultat de la « pensée paresseuse ».
Ces 4 leçons considèrent le responsable de l’entreprise comme le leader indispensable. Mais elles le laissent seul avec ses convictions et ses intuitions pour conduire l’entreprise vers la liberté.
Alors, comment faire ? Quelques guides opérationnels concrètement applicables seraient en effet utiles pour progresser vers la liberté et le succès. Où les trouver ?

Face à ces questions, le Lean Management propose quelques principes et quelques pratiques opérationnelles fructueuses !
Par exemple :
L’approche « processus » place les actions dans l’éclairage de leur(s) finalité(s). Elle porte notamment l’attention sur les services et les prestations apportés aux Clients, sur leur valeur pour les Clients. Elle renforce l’Orientation Client de l’ensemble des acteurs et aide à dépasser les silos des métiers. Elle soutient un alignement partagé sur le « Quoi » de l’entreprise et aidera à construire une vision partagée.
L’importance attachée au terrain, au « Gemba », conduit à la reconnaissance et à la valorisation des compétences de « ceux qui font », à la mobilisation de leurs savoir-faire et – a contrario – montre l’erreur que représente le refus de mobiliser cette richesse essentielle de l’entreprise.
– Le MURI (ou pénibilité), un des Gaspillages traqués par le Lean, prend en compte la perte de sens, la pénibilité et les souffrances qui en résultent.
Diagramme de NemotoTrois rôles sont distingués dans l’entreprise et concernent dans des proportions variables les différents niveaux de l’organisation (cf. le diagramme de Nemoto) :
* « créer la valeur », qui revient principalement aux opérationnels ;
* « aider à faire sauter les verrous » pour que les opérationnels disposent des meilleures conditions de travail, cette action revient surtout au management intermédiaire ;
* « donner la vision », ce sera la principale mobilisation du management supérieur.
Dans cette définition des rôles, on retrouve des valeurs des entreprises libérées : l’écoute, l’importance de la vision, l’humilité et la reconnaissance réciproque des différents acteurs de l’entreprise…
– La mobilisation sur l’amélioration permanente des pratiques maintient l’ensemble des collaborateurs dans une vigilance vertueuse, réciproquement valorisante et profitable à l’entreprise et à ses salariés.

Bien sûr, ce rapprochement entre le Lean Management et les entreprises libérées considère le Lean dans sa perspective globale et humaine. Il cesse de le réduire aux applications contraignantes et au « ras du terrain » de certains de ses outils (par exemple le 5S !).
Le cas de Harley-Davidson conforte ce rapprochement. C’est en effet une des entreprises étudiées par Isaac Getz & Brian M. Carney ; elle se trouve être aussi une référence dans le domaine du Lean en conception de Produit (Lean Product Development). Elle a été ainsi étudiée par James Morgan et Jeffrey K. Liker, auteurs de « The Toyota Product Development System », NY 2006.
Jeffrey K. Liker a aussi publié un article sur l’analyse des échecs des programmes de mise en place du Lean : why lean programs fail, dont l’argument est assez proche du rapprochement que j’ose faire ici – en voici quelques extraits :
« We have concluded from our different journeys and experiences with companies that people have had a fundamental misunderstanding of what the Toyota Production System is in practice.
When we look at lean in this way it is not only a set of techniques for eliminating waste, but a process by which managers as leaders develop people so that desired results can be achieved, again and again. That means coaching people in practicing an improvement kata every day.
An improvement kata is a set of strong mental circuits not for solutions, but for how to develop solutions. »

Le chemin pour développer dans l’entreprise les aptitudes aux Improvement Kata – strong mental circuits not for solutions, but for how to develop solutions – est assez proche du chemin qui mène vers l’entreprise libérée. Cette aptitude aux Improvement Kata est une autre illustration des Entreprises libérées. Les principes et les pratiques opérationnelles du Lean Management proposent ici des leviers utiles et éprouvés.

Alexis Epron, mars 2016
* Liberté et Cie, par Isaac Getz & Brian M. Carney, Collection Champs essais, 2012. Edition originale New York 2009

One Response to Lean-berté & Cie

  1. […] l’entreprise, associés aux « entreprises libérées » (voir le billet Lean-berté et Cie posté il y a quelques mois sur le site […]