Watts in your mind ! (kW in your mind !)

Actualités

L’humanité utilise aujourd’hui des forces et des énergies considérables (cf. les précédents billets : « 270 milliards d’humains dans les barils » et « 1 kg de pétrole = 1 semaine d’huile de coude »).
Mais quelle est la part de toute cette énergie qui est nécessaire pour servir une des caractéristiques marquantes de l’humanité : notre capacité de penser, de raisonner et de prendre les bonnes décisions ?

De la même façon que nous avons retenu que l’humain dispose d’une puissance physique musculaire de 200 watts, nous estimons que la puissance du cerveau varie entre 20 et 40 watts selon son activité au fil de la journée. Nous retenons une valeur moyenne de 27 watts, une énergie quotidienne de 640 Wh. Alors, l’énergie consommée en une année par les 7,1 milliards de cerveaux est d’environ 1,6 petawatts-heures. Ceci représente 1% de l’énergie consommée pendant l’année, 1% des 270 Md d’esclaves.
C’est parmi cette énergie que se trouve celle qui nous permet d’observer et de percevoir notre environnement, d’interpréter et de comprendre ce qui nous entoure, ceux qui nous entourent, de réfléchir aux effets de nos actions et de prendre nos décisions.

Cette énergie « cérébrale » est à mettre en relation avec les 270 milliards d’« esclaves pétrole ». Elle est aussi à mettre en relation avec l’énergie reçue en permanence du soleil, soit une puissance de 170 petawatts (10 puissance 15, un million de milliards) dont 122 sont absorbés par la terre et le reste est réfléchi. Les 122 petawatts absorbés à chaque instant apportent en une année un peu plus d’un million de petawatts-heures d’énergie. Ceci représente 6500 fois l’énergie consommée pendant l’année, 6500 fois celle des 270 milliards d’« esclaves pétrole ». Nous pouvons considérer cette ressource comme durable, si nous l’exploitons sagement !

Pour aider à saisir ces considérables écarts d’échelle, voici un graphique construit avec des surfaces proportionnelles à ces grandeurs :

  • en jaune figure l’énergie absorbée en provenance du soleil ;
  • en brun, l’énergie consommée, c’est-à-dire les 270 Md d’ « esclaves pétrole »
  • et enfin, détaillées à droite, les énergies spécifiques de l’humanité :
    • en vert dans le cercle brun, l’énergie de l’effort physique humain,
    • en vert hors du cercle, l’énergie pour le métabolisme de base de nos organismes
    • et en beige hors du cercle, l’énergie nécessaire pour le (bon) fonctionnement des 7,1 milliards de cerveaux.

Les échelles sont extrêmement contrastées : l’énergie solaire absorbée représente une année, l’énergie qui permet notre niveau de vie global (les 270 Md d’« esclaves pétrole ») correspond à 1h20 – le temps d’un film ou d’un trajet en voiture, l’énergie nécessaire pour les cerveaux correspond à moins d’une minute.
Si l’on prend l’hypothèse évidente que les 7,1 milliards d’humains ne contribuent pas également aux décisions les plus déterminantes, l’énergie mobilisée par 10% des cerveaux représente moins de 5 secondes de l’énergie solaire annuelle, celle de 1% des cerveaux moins de ½ seconde.

Ce sont ces quelques secondes, ces quelques fractions de seconde qui sont et qui seront déterminantes pour construire nos années futures, qui nous orienteront vers la sagesse et l’humanité ou vers la barbarie et la fin de l’humanité ! La situation actuelle ne peut en effet certainement pas être poursuivie sur la longue période.

Elle n’est certainement pas durable quand on considère l’origine fossile de cette énergie, sa libération et l’accumulation de CO² depuis plus d’un siècle et les dérèglements climatiques que cette accumulation nous prépare ? Nous aurons libéré en 2 ou 3 siècles les matières enfouies sous terre et élaborées pendant environ 100 millions d’années pour former le pétrole. C’est comme si nous libérions en 2 ou 3 heures le fruit d’une élaboration qui aurait duré un siècle.
Elle n’est certainement pas durable quand on observe l’inégal partage des services rendus par cette énergie et, plus encore, quand on constate que les populations les plus exposées aux conséquences des dérèglements climatiques ne sont pas celles qui bénéficient le plus des « bienfaits » de cette abondante énergie. Cela fait craindre une aggravation des tensions économiques, sociales, politiques et diplomatiques que nous connaissons déjà (voir, entre autres,  Jacques Attali – Vivement après-demain, 15 ans pour sortir de l’impasse – Fayard, octobre 2016).

Pouvons-nous d’emblée faire confiance à la raison humaine pour nous conduire vers les meilleurs futurs ? L’histoire, et même l’histoire récente, nous montre que l’humain est parfois capable du pire. Ceci peut nous amèner à modérer notre confiance !
Quelles sont alors les pistes qui pourront soutenir l’espoir que notre humanité progressera avec humanisme ?

À suivre…

Alexis Epron, février 2017

Comments are closed.